Le soldat inconnu, découverte de ce héros, symbol national

Un héros anonyme sous l'Arc de Triomphe

Sous la voûte majestueuse de l'Arc de Triomphe, à Paris, une flamme brûle sans interruption depuis 1923. Elle veille sur une tombe sobre, sur laquelle est gravée une inscription simple et puissante : ICI REPOSE UN SOLDAT FRANÇAIS MORT POUR LA PATRIE 1914-1918. Ce Soldat Inconnu, choisi parmi des millions d'autres, incarne le sacrifice de toute une génération fauchée par la Grande Guerre. Mais derrière ce symbole d'unité nationale se cachent des mystères, des recherches et des rumeurs qui persistent encore aujourd'hui.

La genèse d'un symbole national

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la France est un pays en deuil. 1,4 million de soldats sont morts et environ 300 000 sont portés disparus, leurs corps jamais rendus à leurs familles. Pour offrir un lieu de recueillement à toutes ces familles privées de sépulture, l'idée d'honorer un soldat non identifié émerge.

Le 10 novembre 1920, la loi officialisant l'inhumation d'un Soldat Inconnu sous l'Arc de Triomphe est votée. Le processus de sélection est conçu pour être impartial et solennel, afin que chaque famille puisse se reconnaître en lui.

Le choix du Soldat Inconnu :

  1. Huit cercueils sont exhumés de huit secteurs du front où les combats ont été parmi plus meurtriers : Verdun, l'Artois, la Somme, l'Ile-de-France, le Chemin des Dames, la Champagne, la Lorraine et les Flandres.
  2. Le 9 novembre 1920, les huit cercueils sont transportés à la citadelle de Verdun.
  3. Un jeune soldat du 132ème régiment d'infanterie, Auguste Thin, fils d'un combattant lui-même porté disparu, est désigné pour choisir le cercueil qui reposera à Paris.
  4. Il dépose un bouquet d'œillets blancs et rouges sur le sixième cercueil. Plus tard, il expliquera son choix : "J'ai additionné les chiffres de mon régiment, 132, et je suis arrivé au chiffre 6. J'ai choisi le sixième cercueil."

Le 11 novembre 1920, le Soldat Inconnu est inhumé avec les honneurs militaires sous l'Arc de Triomphe. Il devient instantanément le symbole de tous les morts pour la France.

cartes postales première guerre mondiale, le soldat inconnu

Les recherches et les rumeurs : Peut-on identifier l'inidentifiable ?

Dès son inhumation, le mystère entourant l'identité du Soldat Inconnu a nourri des spéculations et des tentatives, officieuses ou passionnées, pour percer son secret.

1. La rumeur persistante de l'identification :
La rumeur la plus tenace veut que le soldat ait été secrètement identifié par l'armée après son choix, mais que cette information ait été étouffée pour préserver la pureté du symbole. Aucune preuve archivistique sérieuse n'est jamais venue étayer cette thèse. Le processus, extrêmement contrôlé et documenté, rend une telle identification très improbable. Les corps exhumés étaient soigneusement sélectionnés pour être irrémédiablement anonymes, dépourvus de plaque d'identité, de matricule ou d'effets personnels identifiables.

2. Les tentatives généalogiques et historiques :
Avec l'avènement des tests ADN et l'engouement pour la généalogie, la question a resurgi. Pourrait-on, aujourd'hui, identifier le Soldat Inconnu ?

  • L'obstacle éthique et légal : En France, la loi de bioéthique interdit strictement toute expertise génétique sur une personne décédée sans le consentement de ses ayants droit ou à des fins autres que médicales ou de recherche scientifique. Ouvrir la tombe pour prélever un échantillon d'ADN serait considéré comme une violation de sépulture et une profanation d'un symbole national. L'idée même est contraire à l'esprit du monument : il est "Inconnu" pour représenter tous les inconnus ; l'identifier serait anéantir sa raison d'être.
  • L'obstacle scientifique : Même en contournant la loi, l'identification serait hautement hypothétique. Il faudrait comparer l'ADN du soldat avec celui de parents potentiels, mais les arbres généalogiques des "Poilus" sont vastes et complexes. Sans hypothèse cible (un nom suspecté), une identification par hasard est quasi impossible.

3. La quête des familles :
Malgré tout, certaines familles, dont un aïeul est porté disparu dans l'un des huit secteurs, nourrissent l'espoir, voire la conviction, que leur soldat repose sous l'Arc de Triomphe. Cette croyance est compréhensible : elle offre une sépulture prestigieuse et une forme de consolation à une douleur centenaire. Des historiens amateurs ont parfois tenté de croiser les listes de disparus avec le lieu d'exhumation des cercueils, mais sans jamais pouvoir trancher.

cartes postales anciennes premiere guerre mondiale

Un symbole éternellement protégé

Le gouvernement français a toujours fermement rejeté toute velléité de recherche sur l'identité du Soldat Inconnu. Il n'est pas un individu à identifier, mais une idée à honorer : le sacrifice collectif, le deuil national et la paix retrouvée.

La Flamme du Souvenir, ravivée chaque soir à 18h30 par des associations d'anciens combattants, est le rite qui perpétue ce serment collectif : se souvenir de tous, sans exception.

Le Soldat Inconnu est, et doit rester, le fils, le mari, le père ou le frère de chaque Français. Son anonymat n'est pas un mystère à résoudre, mais le fondement même de sa puissance symbolique. Il est tous les soldats, et donc il n'en est aucun en particulier. En cherchant à lui redonner un nom, on risquerait de lui retirer ce qui fait sa grandeur : représenter l'humanité entière dans le sacrifice de la guerre.