Des châteaux de Provence aux salons de Versailles : l'étonnante saga des Forbin, une famille qui a fait de l'intelligence son blason
Dans nos recherches, nous traquons souvent l'anonymat des vies simples. Mais que se passe-t-il quand on découvre qu'un patronyme modeste dans notre arbre croise la route d'une dynastie qui a tenu les rênes d'une province ? En Provence, aucune famille n'incarne mieux cette permanence du pouvoir que les Forbin. Leur histoire n'est pas celle de princes souverains, mais celle de conseillers des rois, de guerriers et d'ambassadeurs qui, durant sept siècles, ont choisi le bon camp au bon moment.
Si vos racines plongent dans le terroir provençal, des bords de la Méditerranée aux contreforts du Luberon, l'ombre des Forbin a probablement croisé celle de vos aïeux. Leur généalogie est une leçon d'ascension sociale, un chef-d'œuvre de stratégie familiale.
L'art de durer : le génie des Forbin
La force des Forbin ne fut pas la révolte, mais la fidélité. Fidélité à la Provence d'abord, puis à la France. Leur saga commence au XIIIe siècle dans l'entourage des comtes de Provence. Leur vrai coup de maître ? Avoir soutenu la reine Jeanne Ière puis les ducs d'Anjou, se positionnant ainsi dans le sillage du pouvoir qui allait naturellement rattacher la Provence à la France en 1481.
Ils furent les artisans de leur propre fortune :
Par les armes : Le plus célèbre d'entre eux, Claude de Forbin (1656-1733), général des galères, est la version provençale de l'aventurier sans peur. Héros naval au service du roi de Siam puis de Louis XIV, ses exploits rivalisent avec ceux de son ami D'Artagnan.
Par la robe : Présidents au Parlement de Provence, ils détenaient le pouvoir judiciaire et administratif. Ils incarnaient la loi à Aix-en-Provence.
Par l'Église : Évêques et abbés, ils contrôlaient d'immenses richesses foncières et influençaient les consciences.
Par l'alliance : Leur stratégie matrimoniale fut implacable. En s'unissant aux grandes maisons provençales (comme les Simiane d'Albigny), ils ont tissé une toile d'influence inébranlable.
Du pouvoir régional à l'éclat national
Leur chef-d'œuvre politique fut de ne jamais mettre tous leurs œufs dans le même panier. Pendant que l'un servait le Roi-Soleil à Versailles, l'autre consolidait le pouvoir familial à Aix. Leur patrimoine architectural en est le témoin muet : le Château de La Barben, la "Petite Versailles provençale", ce sont eux. L'Hôtel de Forbin à Aix, un palais urbain, ce sont encore eux.
Contrairement aux Rohan qui affichaient un orgueil princier, les Forbin ont cultivé une puissance plus discrète, mais tout aussi réelle : celle des rouages de l'État. Ils n'étaient pas "au-dessus" du roi, ils étaient à ses côtés, dans son conseil, dans ses armées, dans son administration. C'était une famille de premiers de cordée.

La Révolution et la métamorphose
La Révolution fut un coup d'arrêt, mais pas une fin. Comme beaucoup de vieilles familles, ils surent traverser la tourmente. Au XIXe siècle, on retrouve les Forbin dans la diplomatie, les arts et les lettres, perpétuant cette tradition de service à la nation sous une nouvelle forme. Le peintre Charles de Forbin ou le directeur du Louvre, Louis Nicolas Philippe Auguste de Forbin, en sont les brillants exemples.
Leçon de généalogie : ce que les Forbin nous apprennent
Pour nous, généalogistes, cette famille est un modèle :
L'importance du contexte historique
On ne comprend pas l'ascension des Forbin sans connaître l'histoire du rattachement de la Provence à la France. Leurs succès épousent les grands mouvements de l'Histoire.
La diversité des sources
Leur trace est partout : dans les archives maritimes (fonds des galères), les archives parlementaires d'Aix, les registres de la Chambre de Commerce de Marseille (qu'ils ont dirigée), et les fonds notariés.
La stratégie de réseau
Leur puissance tenait moins à un nom qu'à un maillage serré d'alliances locales. Étudier les Forbin, c'est nécessairement étudier toutes les grandes familles qui leur étaient liées.
Pour conclure, se plonger dans l'histoire des Forbin, c'est découvrir l'autre visage de la puissance : non pas la grandeur affichée des princes, mais l'influence profonde des serviteurs de l'État. Leur arbre généalogique est une carte qui mène au cœur des coulisses du pouvoir, de la Provence à la cour de France. Une inspiration pour qui cherche à comprendre comment une famille, patiemment, se construit un destin.